Chronique / Etiquettes et vins naturels
Drôle, poétique, graphique, l'étiquette d'un vin naturel ne déçoit jamais. Mais que faut-il voir dans cette liberté de ton ? Une contestation ? Une forme de renouveau ? Le reflet d'un travail bien fait ? Ou les trois à la fois ?
D'accord les étiquettes évoluent depuis la nuit des temps, enfin depuis l'Antiquité, mais avouez que les vignerons « nature » ont mis un sacré coup de jeune au petit rectangle de papier situé sur vos bouteilles ! Elles alertent, étonnent, font sourire et accompagnent parfaitement le buveur. Car au-delà de l'aspect purement esthétique, l'étiquette d'un vin naturel raconte aussi bien l'évolution des méthodes de consommation que l'homme (ou la femme) qui se cache derrière le vin.
Jean-Pierre Robinot réalise lui-même ses étiquettes Puisqu'avant même de connaître l'origine géographique d'un vin, on entre dans la sphère du vigneron, qui par un dessin, un nom de cuvée, une image exprime sa liberté et livre un aspect de sa personnalité ! Mieux encore, cela devient une signature qui s'affranchit des codes conventionnelles d'une bouteille de vin. Le rapport manuel/intellectuel, paysan/artiste se confond et donne, enfin, la définition parfaite que l'on souhaite allouer à nos vignerons favoris. Pour mieux comprendre ce phénomène, il faut remonter quelques années en arrière. Privés d'AOC, certains vignerons ne pouvaient rien notifier sur leur étiquette, pas de millésime, pas de localisation. Ils ont donc utilisé cette sanction pour s'exprimer, l'étiquette devenant un terrain d'expression et donc le reflet du bonhomme, du domaine, de sa manière de penser ses vins.
Un bouleversement des codes ?
Evidemment, loin de nous l'idée de prétendre qu'une étiquette belle et drôle cache forcément un bon vin. NON, ce n'est pas le propos. Le vin reste et restera le fruit d'un travail sain à la vigne et à la vinification, le reflet d'un travail paysan. Rigueur à la vigne, audace et liberté sur l'étiquette, là d'accord ! Aussi, un bon vin avec une étiquette pleine de sobriété, de tradition et d'un charme un brin désuet est préférable à l'outrance marketing déployés par les mauvais pinards de supermarché. Préférons tout de même le fond à la forme :-) Pour en revenir à la forme justement, ce sont les règles iconographiques traditionnelles qui sont bouleversées. La rupture est claire. La bonne composition à la française, cadrée, horizontale, hiérarchique laisse place à des étiquettes dynamiques et mouvantes. Tout est permis ou presque. Vous voulez un bon jeu de mot ? Pas de problème. Une étiquette rose avec un diamant dessiné dessus ? Ok, c'est faisable. Ces nouveaux champs de possibilité remettent les pendules à l'heure de l'univers du vin, souvent catalogué comme inaccessible.
Historiquement, on peut même dire que cette liberté se rapproche de celle que les brasseurs artisanaux ont donné aux bouteilles de bières, boisson longtemps associée aux contestataires de tous poils, avides de liberté et soucieux de s'opposer à l'esprit plus 'bourgeois' du vin. La barrière tombe désormais. Les symboles, les valeurs du jus de raisin fermenté sont-ils pour autant remis en cause ? Pas forcément. On peut plutôt parler de redistribution, redéfinition voire même de démocratisation. Par ailleurs cette nouvelle donne ne voit pas (pour le moment) d'effet pervers. On constate heureusement que l'étiquette reste secondaire dans le choix d'un client, il recherche avant tout un produit sain, bon, sans maquillage. Le rectangle est vu comme un bonus, qui parfois peut servir de clin d'œil pour un cadeau ou une soirée.