"Et vous, quel est votre vin préféré ?" Voilà la question que l'on me posait il y a quelques jours au détour d'une dégustation. J'étais bien incapable de donner une réponse convaincante...
Certes, j'ai bien un ou deux penchants qui pourraient être résumés à la va-vite. Mais délicat de donner une réponse précise. Mon cerveau était pourtant en ébullition, comme face à l'interro du siècle, prêt à dégainer un cépage favori, une région, un vigneron puis partir dans une longue explication mais non, j'ai préféré donner la réplique suivante : "ça dépend".
Evidemment, la réponse est décevante. Décevante pour mon interlocutrice, elle qui s'attendait à une conviction professionnelle sans faille. Normal, après avoir dégusté tant de choses, les goûts s'affinent et des attirances pour certains vins se dégagent mais ça n'est pas aussi simple. L'indécision qui peut se lire dans ce "ça dépend" mérite donc une légère justification.
Une simple histoire de goût ?
D'accord le vin est une question de goût. Seulement, mes goûts sont-ils figés dans le marbre pour autant ? Nos penchants sont souvent orientés par des influences extérieures, on peut évoluer, découvrir sans cesse, particulièrement dans le vin ! Il vaut, dans cet univers, mieux être ouvert, ne pas avoir peur de partager, évoluer en fonction du voisin et refuser toutes sortes d'ornières. Mais mes goûts sont-ils pour autant juste, admis, parfaitement identifiés ? Pas sûr. Car le vin est avant tout une affaire de sentiments. C'est une chose qu'il est parfois difficile à dompter !
Selon l'évènement, le temps, le moral et les personnes qui vous accompagne, le ressenti sera toujours différent. Pour une fête en bord de mer sous 28°, inutile d'amener votre Coteaux du Layon préféré ou votre Bordeaux élevé 36 mois en barrique, ça peut être bon certes mais pas là. Ces vins ne raconteront pas leur histoire, ce pourquoi ils existent. La chaleur invite plutôt à un rosé de partage comme le Six Roses de Benjamin Taillandier, un rouge léger, fruité, à boire légèrement rafraîchit comme le TP3 Rouge du domaine Arcadie ou un blanc blindé de fraîcheur. Des choses simples, efficaces, pas chers pour un évènement au top. La garantie, aussi, de mieux parler et de mieux partager les vins.
Vous pouvez boire le vin le plus réputé au monde, s'il n'est pas dégusté dans les meilleures conditions, cela sera sans aucun doute un échec. Il ne vous procurera rien ! Nada ! Au contraire, un vin de copain peut rester gravé à jamais dans votre esprit s'il est bu sous un tilleul, un soir de pleine lune, en amoureux, entre amis ou en famille.
Mettre le "savoir boire" de côté
Alors peut-être faut-il mieux mettre de côté les convenances, les habitudes. Freiner sur le jugement d'un vin selon le "savoir boire" ou l'étiquette et préférer mettre en marche sa sensibilité de l'instant. Cela permettrait sans doute d'accueillir les timides, ceux qui n'ont pas les "codes" de la dégustation dans l'univers fermé du vin, qui exclut autant qu'il réunit ! Fonctionner au "ça me plaît", "ça ne me plaît pas" avant de chercher à savoir pourquoi. Justement les vins naturels permettent tout cela grâce à leur buvabilité, leur esprit et surtout leur qualité !
Un vin préféré, c'est celui qui surprend, qui donne de l'énergie autant qu'il peut assagir. Un vin qui regarde tellement vers l'avenir qu'on en devient nostalgique. Le vin favori, c'est celui qui remue, qui raconte une histoire car c'est aussi un produit qui cache de l'humain. THE quille, c'est surtout celle qu'on a envie de partager !
"Quand il est bu avec qui ?" voilà la réponse que j'aurais dû donner, ou pas. Bref, répondre "ça dépend" à ce genre de question, c'est surtout l'occasion de philosopher un peu !
Dessin de couverture : Mimi, Fifi & Glouglou par Michel Tolmer aux éditions de l'épure